USA : le nonce apostolique invite les évêques à mettre la synodalité en pratique
S’adressant mardi aux évêques américains lors de leur Assemblée générale d’automne à Baltimore, Mgr Christophe Pierre, nonce apostolique aux États-Unis, a évoqué l’importance de la synodalité pour faire face aux défis auxquels la nation et l’Église sont confrontées, dans l’ouverture à l’Esprit Saint.
Robin Gomes – Cité du Vatican
La synodalité n’implique pas de changer les «vérités traditionnelles de la doctrine chrétienne»; elle se préoccupe plutôt de «la manière dont l’enseignement peut être vécu et appliqué dans les contextes changeants de notre époque» par le biais du discernement apostolique. Le nonce apostolique aux États-Unis, Mgr Christophe Pierre, a fait cette remarque mardi devant la Conférence des évêques catholiques des États-Unis (USCCB), qui tient actuellement son assemblée générale d’automne à Baltimore, dans le Maryland, du 15 au 18 novembre. Il leur a parlé de la synodalité, et de la nécessité d’un discernement apostolique.
Tout en restant fidèle à la Tradition vivante de l’Église, la synodalité, qui signifie marcher ensemble, doit apporter une vraie réforme avec des gestes concrets impliquant la participation de toute l’Église. La conversion, surtout dans notre mentalité, qu’entraîne le processus synodal nous laisse dans un meilleur état, a dit Mgr Pierre.
Il a souligné que la synodalité permet d’apporter des réponses aux défis et à la confrontation qui menace de diviser les États-Unis et dont les échos se font sentir également dans l’Église. Beaucoup sont impliqués par inadvertance dans cette confrontation, s’affirmant sur la base de certaines vérités, qui restent dans le domaine des idées et ne sont pas appliquées à l’expérience des fidèles dans des situations concrètes.
Le défi pro-vie
Parlant du défi pro-vie, il a déclaré que «l’Église doit être pro-vie, sans ambages», et doit défendre la vie humaine innocente et les personnes vulnérables. À cet égard, l’approche synodale cherchera à mieux comprendre les raisons pour lesquelles les gens cherchent à mettre fin aux grossesses et font des choix contre la vie et à former un consensus avec des stratégies concrètes pour construire la culture de la vie et la civilisation de l’amour.
Mgr Pierre a salué l’initiative « Walking with Moms in Need », qui vise à marcher dans les chaussures des futures mères locales et de leurs enfants afin de répondre à leurs besoins, soulignant qu’il s’agit d’une approche synodale.
Idée vs réalité
«Les réalités sont plus importantes que les idées», a déclaré le nonce apostolique aux évêques américains, en insistant sur l’expérience eucharistique pratique de la synodalité. «Nous pouvons avoir toutes les idées théologiques sur l’Eucharistie – et, bien sûr, nous en avons besoin – mais aucune de ces idées n’est comparable à la réalité du mystère eucharistique, qui doit être découvert et redécouvert à travers l’expérience pratique de l’Église, vivant en communion, en particulier en ce temps de pandémie.»
Mgr Pierre a ajouté: «Nous pouvons être tellement concentrés sur la sacralité des formes de la liturgie que nous manquons la véritable rencontre avec Sa Présence réelle. La tentation est grande de traiter l’Eucharistie comme quelque chose à offrir à quelques privilégiés plutôt que de chercher à marcher avec ceux dont la théologie ou la vie de disciple laisse à désirer, en les aidant à comprendre et à apprécier le don de l’Eucharistie et en les aidant à surmonter leurs difficultés.» «Plutôt que de rester enfermé dans une « idéologie du sacré », la synodalité est une méthode qui nous aide à découvrir ensemble une voie à suivre», a déclaré le nonce.
Approcher les questions dans la synodalité
Parlant de l’injustice raciale aux États-Unis, que tous les évêques condamnent, il a déclaré que l’Église doit plutôt répondre de manière tangible à la réalité vécue de ce que certains membres de la société doivent affronter quotidiennement. Tout en soulignant la nécessité d’une «Église samaritaine», le nonce apostolique a également déclaré que l’Église elle-même a besoin de guérir des blessures infligées par la crise des abus, les effets persistants de la pandémie et la polarisation de la société.
Il a ajouté que l’Église doit impliquer chacun dans des actions concrètes, qui transmettent la présence du Christ dans la réalité humaine de notre monde en souffrance. Selon l’archevêque, «la manière dont cette action concrète est mise en œuvre est la synodalité».
La synodalité, a-t-il poursuivi, est «une manière de vivre la foi de façon permanente dans les diocèses, les paroisses, la famille et les périphéries, en impliquant tous les membres de l’Église dans la mission d’évangélisation».
L’Esprit Saint dans l’écoute et le discernement
«Une Église qui enseigne doit d’abord être une Église qui écoute.» Celle-ci a besoin de créativité pour répondre aux exigences de notre temps dans la fidélité à la tradition, dans l’ouverture à une conversion plus profonde au Christ.
Pour avancer dans l’unité, il faut de la patience et du discernement, c’est pourquoi la communion fait partie intégrante du prochain Synode d’octobre 2023. La véritable voie synodale doit être enracinée dans la Tradition, les évêques locaux servant de garants de la Vérité, cheminant en communion avec le Pape, à la rencontre du Christ, le Chemin, la Vérité et la Vie.
Une synodalité guidée par Dieu
Soulignant que la synodalité est guidée par Dieu, le nonce aux États-Unis a indiqué que la charité, la conversion, la vérité et le salut sont les quatre dimensions du dialogue. «Notre dialogue et notre écoute, a-t-il dit, doivent impliquer, non seulement de parler entre nous – évêques, clergé, religieux et laïcs – mais aussi d’écouter Dieu – écouter ce que l’Esprit a à dire.» L’Église aux États-Unis a plus que jamais besoin de cette écoute attentive si elle veut surmonter la polarisation qui afflige le pays.
Le processus synodal devrait conduire à une vie de disciple missionnaire, dont le modèle, selon le nonce, est la Sainte Vierge Marie. Marie et l’Esprit Saint «cheminent ensemble» de l’Annonciation à la Pentecôte.
À cet égard, il a partagé une pensée du Pape François, qui a déclaré que lorsque nous sommes ouverts à Dieu au milieu d’un désaccord ou d’une impasse apparente, il se produit généralement une percée ou un «débordement» de l’Esprit Saint qui «brise les berges qui confinaient notre pensée, et fait jaillir, comme d’une fontaine débordante, les réponses qui auparavant… ne nous permettaient pas de voir». Il s’agit d’écouter humblement, les uns les autres et l’Esprit, et d’être ouvert à ce que l’Esprit nous réserve.
Un discernement apostolique commun
Mgr Pierre a également souligné la nécessité du discernement apostolique dans la synodalité, de ne pas marcher seul, mais de s’appuyer les uns sur les autres en tant que frères et sœurs sous la direction des évêques, dans le but de servir le peuple par l’annonce de l’Évangile.
«Trois expressions qui aident à comprendre le discernement sont: reconnaître; interpréter; et choisir, qui ont aussi été décrites comme voir, juger, et agir. Pour faire face aux situations et aux difficultés de la vie, les diocèses doivent former les personnes et les communautés à l’écoute et à la reconnaissance des mouvements intérieurs de l’Esprit. Les individus, les paroisses et les diocèses doivent apprendre à interpréter et à juger les expériences à la lumière de l’Esprit. Dans cette tâche, l’implication des laïcs n’est pas une abdication de l’autorité mais une invitation à la responsabilité partagée», a précisé le représentant du Pape et du Saint-Siège.
«En nous écoutant les uns les autres et en écoutant l’Esprit, en marchant avec nos frères et sœurs, a déclaré Mgr Pierre, nous sortirons ensemble des crises actuelles comme l’Église que le Christ nous a appelés à être», a-t-il martelé.