Au Nigeria, une chrétienne lapidée à mort pour blasphème
Une étudiante chrétienne a été lapidée à mort par des dizaines d’étudiants de son école, l’accusant de blasphème contre le prophète Mahomet, dans l’Etat de Sokoto au nord-ouest du Nigeria. Aussi bien l’évêque que le sultan musulman de Sokoto ont condamné ce crime et demandé que justice soit faite, appelant la population au calme.
Christian Kombe, SJ – Cité du Vatican
Lorsqu’elle faisait sa note vocale dans le groupe de la messagerie whatsapp de sa classe, Deborah Samuel Yakubu n’aurait jamais imaginé qu’elle signait sa condamnation à mort. La jeune étudiante chrétienne a été lapidée à mort par des dizaines d’étudiants de l’école Shehu Shagari, qui ont par la suite brûlé son corps. Ces faits tragiques ont été rapporté jeudi 12 mai dans un communiqué de la police de l’Etat de Sokoto où a eu lieu le drame.
Accusée de blasphème
Suivant des témoignages crédibles, Deborah Samuel s’était plainte de l’afflux des messages religieux sur le groupe Whatsapp de sa classe. L’étudiante avait fait une note vocale pour rappeler à ses camarades de classe la finalité académique du forum. C’est ce commentaire jugé blasphématoire à l’égard du prophète Mahomet qui aurait provoqué l’ire de ses camarades fanatiques qui l’ont tuée par lapidation, puis brûlé son corps.
Dans une vidéo, qui a circulé jeudi 12 mai sur les réseaux sociaux, on voit la scène effroyable du lynchage de l’étudiante par une foule déchaînée. Deux suspects ont été arrêtés, selon la police, tandis que les autorités scolaires ont annoncé la fermeture immédiate de l’école, renvoyant les étudiants chez eux.
Un acte inhumain dont les auteurs doivent être punis
L’évêque de Sokoto, Mgr Mathew Hassan Kukah a condamné un «acte inhumain», dont les auteurs doivent être punis conformément aux lois du pays, quelle que soit leur motivation. Pour l’ordinaire de Sokoto, cet acte criminel «n’a rien à voir avec la religion», soulignant la cohabitation pacifique entre chrétiens et leurs voisins musulmans à Sokoto au fil des ans. Mgr Hassan Kukah demande ainsi «aux autorités d’enquêter sur cette tragédie et de veiller à ce que tous les coupables soient traduits en justice». Il a par ailleurs invité «tous les chrétiens de Sokoto et des environs à rester calmes et à prier pour le repos de l’âme de Mme Deborah», non sans exprimer sa sympathie pour les proches de la victime.
Un crime injustifiable selon le sultan de Sokoto
Le sultan de Sokoto, Muhammadu Sa’ad Abubakar, a également exprimé sa consternation suite à la mort de l’étudiante. Dans un communiqué de presse, «le conseil du sultanat a condamné l’incident dans sa totalité et a exhorté les agences de sécurité à traduire en justice les auteurs de cet incident injustifiable». Comme l’évêque de Sokoto, le conseil de la plus haute autorité spirituelle de tous les musulmans nigérians exhorte «tout le monde à rester calme et à assurer une coexistence pacifique entre tous les habitants de l’État et de la nation».
Mettre fin à la charia
Dans l’Etat de Sokoto, comme dans onze autre Etats du nord du pays, la charia est appliquée parallèlement au droit commun. La loi islamique punit de la peine de mort les coupables de «blasphème». En juin dernier, les évêques du Nigeria avait présenté à la commission sénatoriale sur la réforme constitutionnelle un mémorandum demandant de «mettre fin au statut dont jouit l’islam dans la constitution», qui contredit la laïcité de l’Etat, consacrée par les articles 10 et 38 de la constitution.
L’épiscopat avait souligné que la création des tribunaux de la charia, comme les références à la loi islamique dans la constitution, sont causes de graves inégalités dans le système judiciaire nigérian et mettent en péril les «libertés de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’enseignement, de pratique et d’observance de ses croyances».