Dialogue interreligieux: le Pape invite à la connaissance et l’écoute mutuelle
Marquant les cinq ans de la signature du document d’Abou Dhabi sur la fraternité humaine, point fort d’avancée des relations avec l’islam, le Souverain pontife a invité ce 4 février à contourner les pièges de la fraternité que sont la méconnaissance de l’autre, l’absence d’écoute et la rigidité intellectuelle. L’évêque de Rome s’est adressé aux participants du congrès de Pluriel, plateforme de recherche sur l’islam.
Dimanche 4 février, cinq ans après la signature du document sur la fraternité humaine à Abou Dhabi, le Pape a adressé un message aux participants du congrès international de Pluriel, une plateforme universitaire de recherche sur l’islam, qui se tient du 4 au 7 février dans la capitale émiratie. Cette plateforme se réunit cette année pour réfléchir aux conséquences et aux perpectives impulsées après la signature du document par le Souverain pontife et l’imam d’al-Azhar. Elle avait été lancée en 2014 par la fédération des universités catholiques européennes et rassemble 190 chercheurs issus de 25 pays.
«À l’heure où la fraternité et le vivre ensemble sont remis en question par les injustices et les guerres qui sont toujours des défaites de l’humanité, il y a trois racines à ces maux», a expliqué François dans ce message lu par le cardinal Miguel Ángel Ayuso Guixot, préfet du dicastère pour le Dialogue interreligieux, ciblant «la méconnaissance de l’autre, l’absence d’écoute et le manque de flexibilité intellectuelle». Trois failles de l’esprit humain «qui détruisent la fraternité et qu’il convient de bien identifier pour retrouver la sagesse et la paix» selon lui.
Se connaître pour ne pas percevoir «l’autre» comme un ennemi
Le Pape a insisté en premier lieu sur la méconnaissance de l’autre. Il estime que les problèmes d’aujourd’hui et de demain resteront insolubles «si nous n’apprenons pas à nous connaître, à nous estimer, et si nous restons isolés». Connaître l’autre, construire une confiance mutuelle, changer l’image négative que nous pouvons avoir sur cet «autre», dans les publications, les discours et l’enseignement, est le moyen d’initier des processus de paix acceptables par tous. «Si nous ne voulons pas construire une civilisation de l’anti-frère, où »l’autre différent » est trivialement perçu comme un ennemi, si nous voulons bâtir au contraire ce monde tant désiré où le dialogue est assumé comme chemin, la collaboration commune comme conduite ordinaire, la connaissance réciproque comme méthode et critère (cf. Document), alors la voie à suivre aujourd’hui est celle de l’éducation au dialogue et à la rencontre», a plaidé l’évêque de Rome pour qui l’intelligence humaine est fondamentalement relationnelle.
Apprendre à écouter l’opinion différente
Pour cela, il est nécessaire de prendre le temps d’écouter, car l’absence d’écoute est pour le Pape le deuxième piège qui nuit à la fraternité. «Chacun devrait être toujours prêt à écouter, lent à parler, lent à se mettre en colère, car la colère de l’homme n’accomplit pas ce que Dieu attend du juste», dit François citant saint Jacques (Jc 1, 19-20).
«Combien de maux seraient évités s’il y avait davantage d’écoute, de silence et de vraies paroles tout à la fois dans les familles, les communautés politiques ou religieuses, au sein même des universités et entre les peuples et les cultures!», a assuré le Souverain pontife, qualifiant les espaces d’accueil de l’opinion différente comme un gain en humanité, et non comme des pertes de temps. De même, lors des débats, il faut apprendre à écouter, c’est-à-dire à faire silence et ralentir, à l’opposé de la direction actuelle de notre monde post-moderne toujours agité, rempli d’images et de bruits. «Débattre tout en sachant écouter et sans céder à l’émotionnel, sans craindre non plus les »malentendus », qui seront toujours présents et font partie du jeu de la rencontre, voilà ce qui permettra de parvenir à une vision commune pacifique pour bâtir la fraternité.»
Formation et recherche doivent viser la souplesse intellectuelle
Toutefois, François rappelle que débattre présuppose une éducation à la flexibilité intellectuelle. La formation et la recherche doivent viser à rendre les hommes et les femmes de nos peuples non pas rigides mais souples, vivants, ouverts à l’altérité, fraternels. «Chers frères et sœurs, faisons en sorte que notre rêve de fraternité dans la paix ne se cantonne pas aux mots!», a-t-il souhaité. Le mot «dialogue» est, en effet, d’une très grande richesse et ne peut se borner à discuter autour d’une table. Le Pape argentin a enfin exhorté à ne pas craindre de sortir de sa propre discipline, à rester curieux, souple, à l’écoute. «En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas» (1 Jn 4, 20), a-t-il résumé.