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Et si les entreprises devenaient une force du bien?

À l’initiative du Dicastère pour la promotion du développement humain intégral et de la Commission Covid-19 du Vatican, des représentants du monde des affaires, de la finance, de l’économie, du développement et du monde universitaire se sont réunis pour une réflexion autour de l’impact de la pandémie sur les entreprises, et des nouveaux modèles économiques.
La rencontre, voulue et encouragée par le Pape François qui a adressé un message aux participants, a été ouverte par le cardinal Michael Czerny, préfet par intérim du Dicastère pour la promotion du développement humain intégral. «La pandémie actuelle de COVID-19 est la dernière d’une longue série d’avertissements indiquant que nos modes de vie actuels ne fonctionnent pas», a-t-il constaté en lançant les travaux de la rencontre intitulée « Préparer l’avenir, construire une économie durable, inclusive et régénératrice », promue par la Commission COVID-19 du Vatican. Pour le cardinal, cette rencontre se voulait «un nouvel appel au réveil qui nous implore de laisser derrière nous la mentalité du ‘business as usual » et la recherche d’une croissance économique incrémentale et unidimensionnelle».

Faisant écho aux paroles du Pape François, Michael Czerny a fait observer qu’un autre mode de pensée était nécessaire pour sortir de cette urgence de manière résiliente et unie : «La notion de préparation de l’avenir nous met au défi d’utiliser notre créativité comme nous ne l’avons jamais fait auparavant et de tracer une nouvelle voie au-delà de cette période de crise, qui commence par un changement radical, holistique et systémique, afin que nous puissions tous vivre ensemble en paix, avec une attention particulière pour les plus faibles d’entre nous, et en paix avec notre planète».

Les participants sont intervenus sur la manière dont la pandémie de COVID-19 a amplifié des inégalités économiques et sociales de longue date, et se sont concentrés sur la voie à suivre, sur le renforcement du rôle essentiel des entreprises dans la préparation d’un avenir meilleur qui ne laisse personne de côté. Punit Renjen, PDG de Deloitte Global, a souligné que la crise climatique était l’une des plus grandes menaces auxquelles l’humanité était confrontée. Les confinements, qui ont conduit à la plus forte réduction des émissions mondiales jamais enregistrée, représentent selon lui la «preuve positive qu’un air plus pur, une eau plus propre et des écosystèmes plus sains sont non seulement possibles, mais probables si nous agissons maintenant». Punit Renjen estime que les entreprises ont la responsabilité d’être une force du bien dans le monde: elles ont «les compétences et les ressources nécessaires pour créer un impact sociétal durable – et si nous le pouvons, nous devons le faire».

Un retour aux valeurs fondamentales et au bien commun
De nombreux intervenants ont décrit la crise actuelle comme une occasion de se connecter aux valeurs spirituelles fondamentales communes qui s’appliquent à l’humanité. Malheureusement, «l’économie mondiale est aliénée parce que les comportements économiques de l’homme sont en désaccord avec la ‘Vérité universelle’», a déclaré le professeur Jiang Bo-Kui , de l’Institut Taihe, un groupe de réflexion dont le siège est à Pékin. «Pour les êtres humains, le bon choix serait de libérer le pouvoir spirituel continu de la ‘vérité universelle’ en tant que valeur spirituelle commune et de revitaliser la tradition dans la société contemporaine, afin de stimuler la construction d’une communauté avec un avenir partagé pour l’humanité et la ‘Maison commune’».

Un plus important investissement sur l’humain a été souhaité par la directrice de la London School of Economics. La baronne Minouche Shafik a appelé à un nouveau contrat social qui reconnaisse les interdépendances, «qui donne à chacun une vie décente, digne et la possibilité de contribuer autant qu’il le peut au bien commun. Le moment présent nous offre une opportunité historique de changement durable à cette fin».

Intervenant à son tour, Richard Houston, PDG du cabinet de conseil Deloitte Europe Nord-Sud, a proposé une réflexion sur la promotion du bien commun, à travers le prisme des technologies numériques. Évoquant les risques et les avantages que présentent ces technologies et les innovations pour l’inclusion sociale et la durabilité, Richard Houston a appelé à une approche nouvelle et intégrale pour exploiter à l’avenir leur potentiel de réduction des inégalités. «La technologie et l’innovation nous ont permis de nous connecter à travers le monde. Elles ont permis aux entreprises de prospérer. Mais si cette technologie ne peut pas être utilisée pour connecter les gens à l’éducation et à la qualité de l’emploi, alors nous verrons une plus grande inégalité des revenus, une augmentation du chômage, une dépendance croissante à l’égard du gouvernement et une hausse des migrations de masse». Il a ensuite appelé à une plus grande collaboration entre les entreprises privées, le secteur public et la société civile afin de «repenser la manière de former des générations entières et de tirer le meilleur parti de l’opportunité de concevoir l’avenir du travail».

Au cours des discussions, le professeur Stefano Zamagni, président de l’Académie pontificale des sciences sociales, a fait «trois propositions spécifiques pour atteindre l’objectif qui donnait son titre à la conférence, particulièrement axé sur une économie socialement durable, écologiquement viable et fraternelle».

Les défis et les opportunités qui découlent de la migration, et plus largement de la mobilité humaine, ont été présentés par le père Fabio Baggio, sous-secrétaire de la section Migrants et Réfugiés du Dicastère pour la promotion du développement humain intégral. Le père Baggio a offert des perspectives complémentaires sur le sujet émanant de la communauté internationale et de l’Église catholique. Si la mobilité humaine contemporaine est clairement considérée comme une opportunité pour une croissance durable et inclusive, «ce potentiel restera inexploité tant qu’il n’y aura pas d’engagement sérieux pour améliorer la connexion et la cohérence des politiques démographiques, migratoires et de développement», a-t-il affirmé, avant de conclure qu’en conséquence, il devient nécessaire d’opter «pour une gouvernance mondiale des flux migratoires, pour un dialogue multilatéral attentif aux besoins et aux opportunités de tous les pays, pour une réelle coresponsabilité dans la réponse aux urgences humanitaires, et pour la construction de sociétés interculturelles et cohésives».

Tout au long de la rencontre, les participants ont clairement indiqué qu’un autre modèle économique est possible, détaché de l’exploitation des personnes et de la planète à la faveur d’une économie au service de tous, totalement inclusive et respectueuse des systèmes écologiques.

Dans son allocution de clôture, sœur Alessandra Smerilli, secrétaire par intérim du Dicastère pour la promotion du développement humain intégral et responsable de la Commission COVID-19 du Vatican, a observé que les quatre mots: paix, action, interconnexion et attention, doivent faire partie intégrante du processus de refonte et de réforme des systèmes économiques. La paix, comme objectif à poursuivre au nom des générations futures ; l’action concrète, fruit de l’écoute et du discernement, pour obtenir des résultats visibles ; l’interconnexion, parce que personne ne se sauvera tout seul ; et l’attention, comme ligne directrice pour répondre aux questions que nous nous posons. «Nous ne pouvons pas dénoncer les systèmes et changer ce qui ne nous plaît pas si nous ne sommes pas d’abord prêts à nous changer nous-mêmes» a déclaré sœur Smerilli au cours de cette rencontre modérée par Alessandro Gisotti, directeur éditorial adjoint du Dicastère pour la Communication.

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