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Mgr Dabiré salue le respect mutuel entre l’Église et l’État au Burkina Faso

Dans un message adressé à la Conférence épiscopale Burkina-Niger, vendredi 18 octobre 2024, le président burkinabè, le capitaine Ibrahim Traoré a exprimé sa reconnaissance à l’Église locale, pour toutes ses actions en faveur de la promotion humaine, notamment pour ses prières, son engagement à œuvrer pour la paix et la sécurité dans le pays. Un geste qui illustre les bonnes relations entre l’État et l’Église au Burkina Faso.
Entretien réalisé par Françoise Niamien – Cité du Vatican

La Conférence épiscopale du Burkina-Niger a reçu une délégation ministérielle burkinabè, vendredi 18 octobre, au centre Cardinal Zougrana, à Ouagadougou. Conduite par Bassolma Bazié, ministre de la Fonction publique, cette délégation était porteuse d’un message de «reconnaissance» du capitaine Ibrahim Traoré, président du Burkina Faso, adressé aux évêques burkinabè.
Le dirigeant burkinabé encourage aussi l’Église dans ses actions en faveur de la population, l’invitant à poursuivre le combat pour la paix et la sécurité du pays dans la prière et la sensibilisation. Ibrahima Traoré réitère enfin son engagement à continuer de travailler avec l’Église pour l’unité et la paix des Burkinabè.

Dans un entretien accordé à Vatican News, Mgr Laurent Dabiré, évêque de Dori (nord-est) et président de la Conférence épiscopale Burkina-Niger, a salué cette démarche qui témoigne des bonnes relations entre l’État et l’Église, «empreintes de respect mutuel». Mgr Dabiré a également exhorté les autorités à intensifier la lutte contre le terrorisme pour le respect et la dignité de la personne humaine.

Mgr Dabiré, selon vous, pourquoi une telle démarche du président Ibrahim Traoré auprès de l’Église au Burkina Faso ?
Cette démarche s’inscrit dans l’action du gouvernement qui consulte les autorités religieuses et coutumières pour recueillir leurs avis et demander aussi leur accompagnement en termes de prière, de réflexion et d’actions, surtout que notre pays est en proie au terrorisme depuis plus d’une dizaine d’années. En informant les évêques de cette situation sécuritaire du pays, nos gouvernants entendent compter sur les prières incessantes de l’Église pour l’unité, le bien commun et la conscientisation de la jeunesse burkinabè.

Quel est le contenu de ce message ?
Le contenu du message du président de Faso à l’égard des évêques s’articulait autour de trois points essentiels.
Tout d’abord la reconnaissance du Chef de l’État à l’Église catholique au Burkina Faso, pour ce qu’elle est pour sa prière en faveur de la nation, et pour ses actions à travers ses œuvres en vue de la promotion humaine. Aussi pour son engagement dans le cadre de la réconciliation et de l’unité du dialogue dans le pays.

Le deuxième point a été de tenir les évêques informés de certains aspects de la lutte contre le terrorisme qui continue. Le chef de l’État qui déplore le fait que des fils et filles du Burkina Faso sont en intelligence avec des ennemis extérieurs ou, quelquefois même, des puissances extérieures pour déstabiliser le pays. Un fait que nous évêques regrettons également parce que, du côté des terroristes, tout comme celui de l’armée nationale, ce sont nos jeunes qui meurent au cours de cette guerre et qui emplissent les cimetières ou qui jonchent le sol des brousses de notre pays.

Enfin, le troisième point du message du président du Faso a consisté à la sollicitation et à la contribution de l’Église dans la sensibilisation de la population burkinabè, de la jeunesse en particulier, afin que nous puissions parler d’une même voix dans cette lutte, de travailler à la protection de nos jeunes et qu’ils n’aillent pas grossir les rangs des groupes terroristes.

Mgr Dabiré, en tant que président de la Conférence épiscopale Burkina-Niger, comment les évêques burkinabè interprètent-ils ce geste du président Ibrahim Traoré ?
Pour nous, évêques, il s’agit d’une pratique courante au Burkina Faso, voire dans la sous-région ouest-africaine. C’est très fréquent que les autorités publiques associent les autorités religieuses et coutumières, à leur action pour qu’elles soient plus efficaces.
Bien sûr, il y a la séparation de l’Église et de l’État, des affaires de la République et les affaires des diverses communautés religieuses. Néanmoins nous travaillons pour les mêmes populations.
Il y a cette bonne pratique au Burkina Faso que les autorités coutumières et religieuses soient consultées sur des questions d’orientation ; qu’elles soient sollicitées pour sensibiliser les populations pour problème particulier parce qu’elles sont les plus proches de la population. Les religieux sont également consultés pour la pacification des situations conflictuelles.
Pour nous, c’est une collaboration normale, voire fructueuse pour le bien des mêmes populations dont nous sommes tous les serviteurs. Et ce geste n’est ni nouveau ni étrange. Au contraire, cela s’inscrit dans une tradition de notre pays comme chez nos voisins, notamment le Mali, le Niger, la Côte d’Ivoire où les autorités religieuses sont sollicitées pour des questions d’intérêt national. Il s’agit d’un engagement d’ensemble pour le bien des populations.

Que pouvons-nous retenir des relations entre l’État et l’Église au Burkina Faso ?
Nos relations sont très bonnes. Ce sont des relations empreintes de respect mutuel. L’Église accomplit sa mission dans le respect des affaires de la République.
Et l’État, à son tour, conduit les affaires publiques dans le respect de la vie interne des communautés religieuses. Ce qui est bénéfique, c’est qu’il y a une bonne tradition de collaboration, d’aide mutuelle. On voit que l’État se préoccupe quelquefois des situations de telle ou telle communauté religieuse. Et l’Église se préoccupe en revanche de la situation nationale. Lorsqu’il y a des problèmes, l’Église ne manque pas de dire son mot, de donner un conseil, d’éclairer la situation et d’aider les gouvernants à prendre leurs responsabilités pour résoudre les difficultés en y faisant face. En somme, ce sont des relations empreintes de courtoisie et de respect mutuel.

Justement, l’Église a son avis à donner, mais a-t-elle la possibilité d’une prise de position par rapport à une situation donnée ?
L’Église ne prend pas position par rapport à des faits politiques. Toutefois, elle ne manque de donner des pistes d’orientation, d’encouragement et d’approfondissement des questions, des solutions qui sont préconisées, tout en restant dans son domaine, à savoir la vie spirituelle de ses fidèles et des hommes de bonne volonté et valoriser bien commun de tous les Burkinabè.
Alors, il peut y avoir des situations qui font dire que l’Église critique l’action politique. Or, elle évite, autant que faire ce peu, de critiquer l’action politique. Cependant elle apporte des éclairages, donne des instruments d’analyse pour que les nœuds qui pourraient se former de certaines des situations puissent être dénoués. C’est une situation particulière.
Nous ne sommes pas dans la laïcité tranchée où le religieux garde le silence devant les affaires publiques ou bien que les autorités publiques se gardent de dire un mot sur la façon dont les choses se passent dans les communautés religieuses.
Bien sûr, les autorités politiques ne se mêleront jamais de la nomination des responsables de l’organisation interne, mais elles le font régulièrement en accordant de l’aide, des appuis, favorisant les actions entreprises par les communautés religieuses parce que les autorités publiques elles-mêmes savent que ces actions-là contribuent au bien-être des populations et que l’Église en particulier a toujours été une force constructive dans ce pays.

Vous l’avez indiqué au début de cet entretien, le président Traoré a félicité la Conférence épiscopale pour son engagement en faveur de la paix, son engagement dans la lutte contre le terrorisme que vit malheureusement le Burkina Faso ? Mgr, dites-nous concrètement qu’attend l’État de l’Église ?
Le gouvernement attend trois choses essentielles mais, avant tout, n’oublions pas que nous sommes dans un contexte africain, et ouest-africain en particulier, où les populations sont croyantes. Il y a une diversité des religions, mais les populations sont très croyantes. Chacun est attaché à sa religion, à sa pratique.
Alors, pour ce qui est de la première attente de l’État, il faut dire qu’il compte sur l’Église catholique d’abord pour sa prière, son intercession pour la paix et la réconciliation surtout pour la fin du terrorisme dans notre pays et dans la sous-région.
La deuxième attente des autorités gouvernementales se résume à une contribution en termes de réflexion sur les problématiques de notre pays, afin qu’elles puissent être le plus éclairées possible, outillées pour prendre leur responsabilité, parce que l’Église a toujours été respectée pour sa qualité de réflexion et de contribution à la recherche des solutions.
Et enfin, l’État compte sur l’Église catholique pour continuer à mener ses œuvres sociales, humanitaires, éducatives, pour le bien-être de la population et surtout pour la formation de la jeunesse.
L’État compte également sur l’Église pour intensifier son action sur le terrain afin de réduire la pauvreté, les conflits et les frustrations, en apportant du soulagement dans la mesure de ses moyens. N’oublions pas que l’Église agit toujours pour le bien des personnes, le bien commun. Et donc l’État fait confiance à l’Église dans ces trois domaines: sa prière, sa réflexion et ses œuvres.

Quel est votre mot de fin ?
Alors, mon message de fin consiste tout d’abord à inviter les Burkinabè à continuer d’être des hommes religieux, croyants, parce qu’avec Dieu, tout reste possible.
Ensuite, qu’ils soient solidaires et acceptent donc la mise en commun des idées.
Et après avoir mis en commun les idées, que l’on se donne les mains pour agir. Chacun, bien sûr à son niveau, doit agir pour que nos populations puissent être soulagées des misères qui les frappent, mais aussi qu’elles puissent connaître un développement suffisant et enfin la paix. Et pour cela, il faut l’engagement de tous les fils du Burkina Faso. De ce fait, la pratique de notre religion devrait être un service pour notre société.

Quel est votre message à l’endroit de l’État burkinabè ?
Au nom des évêques de la Conférence épiscopale Burkina-Niger, nous adressons nos encouragements au gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour le bien de nos populations afin qu’il puisse lutter efficacement contre le terrorisme, dans le respect de tout ce qui a trait à la personne humaine. Nous souhaitons que ce qui n’est pas utile contre le terrorisme soit évité.
Nous saluons tous les efforts consentis par les autorités pour la sécurité des Burkinabè. Nous prions pour que nos moyens de lutte, notre manière de lutter puisse toujours être améliorée et nous permette d’avoir de bons résultats qui n’entachent pas non plus la réputation du pays.

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