Éthiopie: au Tigré, l’archevêque d’Addis-Abeba partage ses espoirs de paix
Le cardinal Berhaneyesus Souraphiel, archevêque métropolitain d’Addis-Abeba, prie pour que «les négociations en cours conduisent à une paix durable» en Éthiopie. Dans la région du Tigré, en conflit civil depuis dix-sept mois, plus de 4,6 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire.
Deborah Castellano Lubov et Giancarlo La Vella – Cité du Vatican
Le Pape François invite continuellement le monde à regarder les «guerres oubliées» telles que celle qui afflige l’Éthiopie depuis des mois. Dans un entretien à Radio Vatican – Vatican News, le cardinal Berhaneyesus Souraphiel, archevêque d’Addis-Abeba et primat de l’Église catholique éthiopienne, s’inspirant des paroles du Pape, revient sur la crise humanitaire qui frappe la nation éthiopienne.
Le conflit, qui oppose depuis le 4 novembre 2020 les rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) et l’armée éthiopienne, a fait plusieurs milliers de morts et 2 millions de déplacés. Des millions d’Éthiopiens ont aujourd’hui désespérément besoin d’une aide humanitaire d’urgence.
Cardinal Berhaneyesus Souraphiel, le Pape François a lancé de nombreux appels contre les guerres et a prié de manière spécifique pour votre pays, l’Éthiopie. Quelle valeur ont pour vous les appels du Pape?
Ils ont une grande valeur. Nous avons en effet remercié le Saint-Père d’avoir mentionné l’Éthiopie, avec ses conflits et ses guerres internes. Nous sommes très reconnaissants pour votre préoccupation et pour vos prières concernant la situation de notre pays.
Comment décririez-vous la situation actuelle sur place ?
Actuellement au moins, il n’y a pas de guerres ou de combats comme c’était le cas il y a quelques mois. La situation est un peu meilleure car on nous dit que les négociations se poursuivent entre le gouvernement fédéral et le gouvernement régional (…), parce que le conflit tourne principalement autour de questions politiques et économiques. Nous espérons que les négociations en cours conduiront à une paix durable.
Cependant, à chaque fois guerre ou conflit, ce sont bien les civils qui souffrent le plus. Les gens ordinaires ont beaucoup souffert, principalement dans la région du Tigré, mais le drame s’est également propagé hors du Tigré dans d’autres régions voisines, telles qu’ Amhara et Afar. Les gens souffrent encore, dans ces zones de déplacement, de faim et de destruction.
De nombreuses infrastructures ont été détruites, y compris des écoles, des établissements de santé et des ponts…
Ils doivent être reconstruits (…). Même si les enfants peuvent retourner en classe, leurs bâtiments sont aujourd’hui détruits. Ils sont assis par terre, sur des pierres ou des bûches de bois pour suivre les cours. Le fait d’être ensemble pour les étudiants est très important.
Et la souffrance des gens continue. Le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies, la Croix Rouge Internationale et de nombreuses autres institutions, y compris l’Église catholique à travers la Caritas, les orthodoxes, les musulmans et les protestants, cherchent à sauver le réseau de transports, la nourriture et les médicaments, dans la mesure du possible. Nous espérons que l’aide ne fera pas défaut, pour éviter que la faim ne devienne une famine.
La situation humanitaire dans le Tigré, selon de nombreux rapports, continue d’empirer. Avez-vous un appel à faire?
La situation humanitaire au Tigré empire, car le passage de couloirs humanitaires, à travers lesquels les Nations Unies ou le gouvernement ou d’autres agences tentent d’acheminer de la nourriture, est parfois bloqué (…). Pour cette raison, la souffrance des gens augmente. En tant que Conférence épiscopale catholique de l’Éthiopie, [nous avons lancé] des appels à notre réseau catholique à travers le monde, en particulier via Caritas Internationalis. Il y a seulement deux semaines, nous avons demandé de l’argent pour apporter une aide à ces personnes, non seulement au Tigré mais aussi dans les régions voisines. La sécheresse s’est également aggravée en raison du changement climatique. Nous sommes en fait dans une grande crise humanitaire, face à laquelle les gens ont besoin d’aide.
Cardinal Souraphiel, la légère amélioration en Éthiopie à laquelle il est fait allusion, alors que les négociations sont en cours, a-t-elle été favorisée par les paroles du Pape pendant le discours Urbi et Orbi de Noël et, plus récemment, pendant l’Angélus du 27 février dernier ?
Oui. Les dirigeants orthodoxes et protestants, ainsi que les musulmans du pays, ont un grand respect pour le Saint-Père. Ici en Ethiopie, les gens ordinaires continuent à prier pour la paix (…). Nous vivons tous ensemble depuis des siècles. L’Éthiopie ne devrait pas être considérée comme un pays de conflit ou de guerre, car c’est le cas depuis seulement 40 ou 50 ans, en raison d’intérêts politiques variés.
Nous sommes confrontés à de nombreux défis, mais je crois et compte sur les prières des personnes qui ont été unies pendant des siècles, qui se sont mariées ici et ont vécu comme des Éthiopiens. Nous espérons voir émerger des solutions pour que les gens redeviennent un, et soient unis. Nous prions en tant que chrétiens sous le regard de notre Seigneur Jésus-Christ qui est mort sur la croix pour nous tous.