À Londres, le Saint-Siège plaide pour la reconstruction spirituelle de l’Ukraine
La diplomatie vaticane représentée à la conférence pour la reconstruction de l’Ukraine. Le secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États a participé les 21 et 22 juin à la deuxième édition de cette réunion. Organisée par Londres et Kiev, la conférence a levé 60 milliards d’euros supplémentaires. Mgr Paul Richard Gallagher y a plaidé pour la reconstruction du tissu humain et religieux, à ne pas négliger au risque de faire exploser des «mines» semées dans les cœurs.
Delphine Allaire – Cité du Vatican
Après 16 mois de guerre acharnée, il est difficile «non seulement de savoir exactement, mais même d’imaginer» le bilan réel des destructions qu’elle a causées à tous les niveaux.
Après avoir posé ce tragique constat et au-delà des sommes financières récoltées tous azimuts, le diplomate britannique du Saint-Siège a surtout souhaité louer la seule réalité intacte qu’est «l’esprit indomptable du peuple ukrainien» et l’héroïsme démontré par de nombreux Ukrainiens «n’ayant hésité à mettre de côté leurs projets de vie pour se consacrer à la défense de leur patrie», ni «après avoir été forcés de quitter leurs maisons, à revenir dès qu’ils l’ont pu, ou à nourrir le désir de revenir» pour reconstruire le pays.
Résilience et espérance sont plus fortes que le mal
«Cette résilience démontre que la volonté de vivre et d’espérer est plus forte que tout instinct destructeur qui sème la mort et le désespoir, parce qu’au fond du cœur humain, le bien, bien qu’étouffé par le mal, ne peut jamais être totalement détruit et reste prêt à renaître», a affirmé Mgr Gallagher, qualifiant la reconstruction de «processus complexe».
En effet, l’Ukraine n’est pas seulement confrontée à la destruction matérielle massive causée par les bombardements. Le redressement de l’économie ukrainienne est ainsi évalué à 411 milliards de dollars par la Banque mondiale, l’ONU, l’UE et Kiev.
Blessures et traumatisme
Le pays en guerre depuis près de 400 jours est aussi confronté «à de profondes blessures dans son tissu familial, social et religieux», relève Mgr Gallagher, comme l’ont souligné «les conversations que le cardinal Matteo Zuppi a eues lors de sa récente mission à Kiev, en référence au traumatisme subi par les combattants et à ses conséquences sur leurs familles», a précisé le secrétaire pour les Relations avec les États. Le cardinal Zuppi, président des évêques italiens, avait été missionné spécialement par le Pape François les 5 et 6 juin en Ukraine «pour écouter en profondeur les autorités ukrainiennes sur les voies possibles pour parvenir à une paix juste».
Prendre garde aux mines explosives semées dans les cœurs
Mgr Gallagher convient qu’il est naturellement nécessaire de reconstruire les infrastructures, de revitaliser les économies locales, les projets éducatifs et les soins de santé, qui sont tous essentiels pour restaurer la stabilité, mais souligne, dans le même temps, la nécessité «de panser également les blessures spirituelles, de faciliter la compréhension mutuelle et de promouvoir le dialogue». Si cette exigence n’était prise en compte, le représentant du Saint-Siège prévient de conséquences désastreuses: «Si ces éléments étaient négligés, le risque serait que, lorsque le ciel ukrainien ne sera plus brouillé par les missiles russes, les « mines » semées par la guerre dans le cœur des gens commenceront à exploser».
Reconstruire le tissu humain du pays
Ainsi les gouvernements, les organisations internationales, la société civile et les personnes de bonne volonté sont appelés, selon lui, à apporter leur expertise, leurs ressources et leur solidarité. Les Églises, elles, sont appelées «à aider à reconstruire le tissu humain, social et religieux de l’Ukraine».
Comme l’a dit le Pape François, «la reconstruction de la paix est une entreprise de longue haleine, qui requiert passion, patience, expérience et ténacité», a cité le diplomate, souhaitant que cette conférence internationale soit «une source d’espérance et de solidarité, un témoignage de l’engagement inébranlable envers le peuple ukrainien».
L’aide financière la plus conséquente provient de l’UE
La conférence de Londres, réunissant essentiellement des acteurs occidentaux, s’est déroulée pendant deux jours en présence de représentants de plus de 60 pays, institutions internationales et secteur privé. À son issue, l’Ukraine a reçu un total de 60 milliards d’euros de nouveaux soutiens financiers pour rebâtir son économie, a annoncé le ministre des Affaires étrangères britannique, James Cleverly. L’essentiel de ces 60 milliards d’euros d’engagements provient d’un paquet d’aide de 50 milliards d’euros que l’Union européenne a prévu de débloquer jusqu’en 2027.
La conférence a aussi été l’occasion pour le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, et son homologue britannique de visiter la cathédrale de l’éparchie de la Sainte-Famille de Londres des Ukrainiens, mardi 20 juin.