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Pour le Pape, le vrai défi, c’est d’aimer son ennemi

Le Pape François a célébré une messe pour la paix et la justice ce samedi matin à Bahreïn devant environ 30 000 fidèles catholiques du vicariat apostolique d’Arabie du Nord. Dans son homélie, il a rappelé cet enseignement fondamental de Jésus: aimer toujours et aimer tout le monde, une proposition «audacieuse», une invitation à s’engager pour briser la chaîne du mal.
Xavier Sartre – Cité du Vatican

L’ombre de l’actualité guerrière de ces derniers mois a plané sur les propos du Pape François lors de la seule messe célébrée durant ce voyage apostolique à Bahreïn, au sein du stade national. Devant près de trente mille fidèles catholiques venus de ce royaume, mais aussi du Koweït, du Qatar et d’Arabie saoudite, le Saint-Père a offert une réflexion sur un des enseignements majeurs de Jésus: aimer toujours et aimer tout le monde.

Cet enseignement nait d’un paradoxe initial: l’arrivée d’un Messie dont la puissance sera grande et d’une paix qui n’aura pas de fin. Or, souligne d’emblée François, «plus le pouvoir est recherché, plus la paix est menacée». C’est là, en fait, toute l’«extraordinaire nouveauté»: le Messie n’est pas «un chef de guerre», mais «le Prince de la paix» qui «réconcilie les hommes avec Dieu et entre eux». Sa grandeur, c’est d’utiliser «de manière inconditionnelle» «la faiblesse de l’amour» et non «la force de la violence».

Dénonciation des pouvoirs qui oppriment
Certes, reconnait le Saint-Père, ce ne sera pas facile. Jésus «ne propose pas un amour sentimental et romantique», il «n’est pas irénique mais réaliste». Il sait que «dans nos relations, il y a une lutte quotidienne entre l’amour et la haine» et que «nous faisons l’expérience (…) de ne pas toujours recevoir le bien que nous attendons», subissant parfois le mal de manière incompréhensible.

Le Pape évoque alors les «exercices du pouvoir qui se nourrissent d’oppression et de violence», qui «cherchent à accroître leur espace en restreignant celui des autres, en imposant leur domination, en limitant les libertés fondamentales et en opprimant les faibles». «Ainsi, dit Jésus, il existe des oppressions et des inimitiés», résume François.

Face à cela, «la proposition de Jésus est surprenante, hardie, audacieuse» décrit-il. Jésus demande «de rester toujours, fidèlement, dans l’amour, malgré tout, même face au mal et à l’ennemi.» C’est là une proposition nouvelle, différente, «impensable». Mais il ne faut pas rêver naïvement d’un monde animé par la fraternité, il faut «nous engager en premier, en commençant par vivre concrètement et courageusement la fraternité universelle, en persévérant dans le bien même quand nous recevons le mal, en brisant la spirale de la vengeance, en désarmant la violence, démilitarisant le cœur», explique le Pape.

Paix d’abord au quotidien
Cela est valide dans les relations internationales, ce l’est aussi dans nos vies personnelles, au quotidien. «La paix ne peut pas être rétablie si à une parole mauvaise est répondue une autre encore plus mauvaise, si une gifle est suivie d’une autre. Non, il faut désamorcer, briser la chaîne du mal, rompre la spirale de la violence, cesser de nourrir du ressentiment, cesser de se plaindre ou de s’apitoyer sur son sort. Il faut rester dans l’amour, toujours», poursuit le Saint-Père.

C’est là que «l’invitation de Jésus est surprenante car elle repousse les limites de la loi et du bon sens» estime François. S’il est normal, même si c’est «laborieux», de s’entraider et de s’aimer si on appartient à la même communauté, quelle qu’elle soit, ce ne l’est pas autant avec qui est loin de nous ou différent. L’exemple de Bahreïn, «image vivante de convivialité des diversités», «image de notre monde de plus en plus marqué par les migrations permanentes des peuples et le pluralisme des idées, des coutumes et des traditions», est cependant là pour montrer que c’est possible. «Le véritable défi, pour être des enfants du Père et construire un monde de frères, c’est d’apprendre à aimer tout le monde, même son ennemi.»

Apporter le reflet du Ciel
Le Pape précise alors: «cela signifie choisir de ne pas avoir d’ennemis, de ne pas voir dans l’autre un obstacle à surmonter, mais un frère et une sœur à aimer. Aimer l’ennemi, c’est apporter sur terre le reflet du Ciel, c’est faire descendre sur le monde le regard et le cœur du Père qui ne fait aucune distinction, ne discrimine pas».

Cette capacité d’aimer est avant tout «une grâce» qu’il faut demander avec insistance, précise François. «C’est essentiel pour le chrétien de savoir aimer comme le Christ». Ce don, nous le recevons quand «nous faisons place au Seigneur dans la prière, lorsque nous accueillons sa présence dans sa Parole qui nous transforme et dans l’humilité révolutionnaire de son Pain rompu. Ainsi, lentement, les murs qui durcissent nos cœurs tombent et nous trouvons la joie d’accomplir des œuvres de miséricorde envers tous. Nous comprenons alors qu’une vie heureuse passe par les béatitudes, et consiste à devenir des artisans de paix».

Invoquant Notre-Dame d’Arabie, le Pape a alors remercié les fidèles réunis pour leur témoignage «doux et joyeux de fraternité, pour être des semences d’amour et de paix sur cette terre», leur apportant «l’affection et la proximité de l’Église universelle qui vous regarde et vous entoure d’affection, vous aime et vous encourage».

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