Le Pape invite les catholiques français à se réapproprier leur héritage de foi
Dans un message adressé à l’archevêque de Paris, lu par le nonce apostolique samedi 7 décembre, l’évêque de Rome a souhaité que la renaissance de la cathédrale constitue «un signe prophétique du renouveau de l’Église en France». L’année dernière à Marseille, François exhortait déjà la France à «de nouveau tressaillir» de foi et de joie. Le Pape a également insisté sur l’accueil nécessairement généreux et gratuit de la cathédrale.
Delphine Allaire – Envoyée spéciale à Paris
Après l’incroyable visite apostolique dans la cité phocéenne et avant celle accordée à la Corse dans une semaine, l’île de la Cité parisienne a reçu les paroles reconnaissantes et encourageantes du Pape François, uni par la pensée et la prière aux célébrations de réouverture de Notre-Dame de Paris, samedi 7 décembre. La cathédrale a été solennellement rouverte par les neuf coups de crosse épiscopale de l’archevêque de Paris sur les grandes portes en bois.
Devant 2 500 invités religieux, politiques, diplomatiques et officiels, au premier rang desquels une cinquantaine de personnes handicapées ainsi que les présidents français, ukrainien et leur futur homologue américain, le message papal a été lu par le nonce apostolique, sous la voûte d’ogives éclatantes de blondeur.
«Heureux» de s’unir au peuple fidèle de France en ce jour si solennel, François y confie avoir «encore en mémoire le terrible incendie» ayant compromis l’édifice Lundi Saint, 15 avril 2019, serrant les cœurs de par le monde. Quelques heures après, le Successeur de Pierre exprimait sa solidarité aux Parisiens frappés par la catastrophe.
L’engagement des autorités salué par le Pape
Mais aujourd’hui, face à la Pietà lustrée et miraculée du feu, située devant la lumineuse Croix d’or de Marc Couturier, «la tristesse et le deuil font place à la joie, à la fête et à la louange», a écrit François, remerciant en particulier les courageux sapeurs-pompiers, dont 160 d’entre eux ont été ovationnés dans la cathédrale. L’évêque de Rome a salué aussi «l’engagement déterminé des pouvoirs publics» à reconstruire l’édifice en cinq ans.
«La valeur sacrée d’un édifice est encore perçue»
Enfin, le Pape a relevé le grand élan de générosité internationale ayant contribué à la restauration avec des dons affluant du monde entier. «Cet élan est le signe non seulement d’un attachement à l’art et à l’histoire, mais plus encore –et combien cela est encourageant! – le signe que la valeur symbolique et sacrée d’un tel édifice est encore largement perçue, du plus petit au plus grand», s’est-il réjoui. Durant les cinq ans de chantier après l’incendie, quelque 340 000 donateurs ont en effet permis de récolter 846 millions d’euros, dont 700 millions ont financé la restauration. N’ayant de cesse à louer l’excellence artisanale à travers le monde et l’importance «de l’intelligence de la main» lors de diverses audiences accordées à Rome, le Pape n’a pas manqué de rendre un hommage appuyé à la cohorte d’artisans s’étant investis «généreusement» dans cette splendide œuvre collective qu’est la restauration de la cathédrale.
«Il est beau et rassurant que les savoir-faire d’autrefois aient été sagement gardés et améliorés. Mais il est plus beau encore que nombre d’ouvriers et d’artisans aient témoigné avoir vécu cette aventure de la restauration dans une authentique démarche spirituelle. Ils se sont mis sur les traces de leurs pères dont seule la foi, vécue dans leur travail, a pu édifier un tel chef d’œuvre», a observé le Pape, précisant que «rien de profane, d’inintelligible ni de vulgaire» n’a sa place dans l’enceinte de l’église médiévale, témoin séculaire de l’histoire nationale.
Les catholiques français, «pierres vivantes de Notre-Dame»
Et François d’émettre un vœu: «Puisse donc la renaissance de cette admirable église constituer un signe prophétique du renouveau de l’Église en France». Et d’exhorter chaque baptisé à ressentir «de la fierté» et «à se réapproprier son héritage de foi» en tant que «pierres vivantes» de Notre-Dame. Par ailleurs, le Pape a remercié l’archevêque de Paris pour son attachement à garder les portes de la cathédrale ouvertes «de façon gratuite et généreuse», écho certain aux velléités politiques d’en rendre l’accès payant. Jusqu’à quinze millions de visiteurs sont désormais attendus dans la cathédrale.
«Puisse donc la renaissance de cette admirable église constituer un signe prophétique du renouveau de l’Église en France»
«Notre-Dame sera bientôt de nouveau visitée et admirée par une foule immense de personnes de toutes conditions, provenances, religions, langues et cultures, pour beaucoup en recherche d’absolu et de sens à leur vie. Je sais, Excellence, que les portes leurs seront largement ouvertes, et que vous serez attachée à les accueillir généreusement et gratuitement, comme des frères et sœurs», a affirmé François, implorant enfin sur l’Église de France et tout le peuple français, «la protection de Notre-Dame de Paris» et accordant sa bénédiction. L’office de réouverture a ensuite débuté avec la bénédiction et le réveil magistral de l’orgue de Notre-Dame par huit invocations. Puis, la lecture du psaume 112 et un extrait de la lettre de saint Paul aux Éphésiens ont captivé l’inhabituelle assemblée, lui rappelant que «la pierre angulaire de toute construction est le Christ lui-même».
La porte de la cathédrale est ouverte à tous
Dans son homélie prononcée devant la quarantaine de chefs d’État et de gouvernement, de personnes influentes dans différents domaines de la société, l’archevêque de Paris, arborant une chape colorée signée Jean-Charles de Castelbajac, a redimensionné le cadre ordinaire de sa cathédrale: «Ce ne sont pas seulement les princes, les chefs, les notables qui ont leur place dans l’Église». Bien au contraire, «Nous voulons quand même que puissent venir ici ceux qui habituellement ne s’en sentent pas dignes.[…] La porte est ouverte à tous, même s’il est de passage, même s’il est un étranger, même s’il n’est pas un habitué». Cette cathédrale, «toute entière tournée vers le mystère du Christ», a poursuivi Mgr Laurent Ulrich dans son homélie, «est le signe de la joie immense des croyants et de millions d’hommes et de femmes, d’enfants, de vieillards, de malades de personnes avec handicap». «Elle est comme un message qui traverse les époques et les frontières», a noté l’archevêque parisien, laissant les notes du Magnificat s’élever dans la nef de la cathédrale, sublimée par une lumière éthérée.